H. : Je suis originaire du Sénégal. Mon pays a surtout été marqué parce que les esclaves pris dans toute l'Afrique partaient du Sénégal. Une grande partie est allée en Martinique, Louisiane, pour travailler là-bas. Peu en Amérique du Sud.
C'était sur toutes les côtes que se passaient les ventes aux enchères. A Goré, lieu de départ des bateaux, ils ont créé des associations sur ce sujet.
Dans un reportage passé à la télé en septembre, on voit des gens qui sont revenus dans leur pays, des antillais, des américains, des allemands...
Ils sont venus voir la ville de Goré. Le roi les a accueillis avec beaucoup d'hospitalité.
Il y a aussi des personnes de retour des pays voisins, en quête de leurs origines.
On se reconnaît, entre africains, chaque région a des traits de visage différents, entre l'est, l'ouest, et les cultures ne sont pas les mêmes. Mais il y a eu beaucoup de métissages à l'intérieur de l'Afrique, les traits se perdent.
Les noms attribués aux enfants peuvent être liés à leur date de naissance, par rapport au décès d'un ancêtre ("grand-père est revenu"), ou bien si un enfant de la fratrie est mort avant la naissance du nouveau-né, celui-ci s'appelle "celui qui est revenu". Le premier né peut avoir quatre ou cinq prénoms, pour nommer tous les ancêtres : en voyant ses prénoms, on sais qui il est.
As-tu eu des personnes de ta famille qui ont été mobilisées pour la guerre de 14 ?
H. : Non, il y a le petit frère de mon père, qui est rentré juste après le décès de mon père en 52.
Il était parti pour la guerre d'Indochine. Il a été blessé, mais il est encore vivant. Il avait été recruté au départ pour la guerre de 40. Il ne connaissait rien à la guerre.
Ils ont pris des cultivateurs chez eux, mes grands-parents habitaient un petit village, à 15 km de Saint-Louis.
Les français venaient voir les chefs du village; ceux-ci faisaient sortir tous les jeunes qui étaient bien-portants et en âge de partir. Le recrutement se passait comme ça. Les chefs essayaient de convaincre les familles de laisser partir tel ou tel fils. Leur autorité morale suffisait souvent.
Cliquer sur l'image pour l'agrandir. (Tiré de l'Illustration)
C'était des villages où il y avait 5 ou 6 familles, mais très nombreuses, avec le regroupement de tous les fils, de leurs épouses, etc. ou les filles avec leurs époux : elles changeaient de maison mais restaient dans le village. On ne sortait pas du village. Il fallait éviter surtout que le nom de ce village disparaisse. Chaque village contenait une famille, avec un seul nom.
Il y avait des villages de guerriers, par exemple, il ne fallait pas que ce village se mélange avec une autre caste, ou un autre niveau de vie.
Je suis du village où est né Lat Dior Ngoné Latyr Diop (1842-1886), une des grandes figures de la résistance à la pénétration coloniale française.... Il y avait deux grand guerriers sénégalais qui faisaient face aux français, Lat Dior et Alboury Ndiaye. Si quelqu'un rentrait de force dans un pays, en déclarant la guerre, il n'en sortait pas vivant. Il y a une statue de Lat Dior à Dakar, monté sur son cheval Malaw.
Notre grand-père était le descendant de Dior,
les vrais sénégalais portent deux noms : Dior et Ndiaye, du nom des deux grands guerriers sénégalais.
Après les croisements, quand les gens ont migré en ville et ont fait des mariages en dehors du village, les noms ont commencé à changer.
Avant, tous les bateaux passaient toujours par Saint-Louis. Les vrais sénégalais sont toujours à Saint-Louis. Il y a eu des métissages blancs avec des sénégalaises, les Signares.
Ces métis n'étaient pas des musulmans et étaient plus aisés que ceux de la ville.
Comme les enfants, métis, ont épousé des noirs, la couleur est redevenue progressivement plus foncée. Mais on les reconnaît toujours à des différences de culture.
Au Sénégal, je n'ai pas connu la guerre, mais la décolonisation.
J'étais dans une école des soeurs, construite après la guerre, où allaient les français.
Il n'y a pas eu du tout de combats. Le Sénégal a eu l'indépendance sans un seul coup de feu.
De Gaulle était venu, faire campagne avec Léopold Sédar Senghor.
Tout s'est passé sans aucun heurt.
Dans un pays musulman à 97%, nous avons élu un président catholique.
Il n'y a jamais eu d'histoire, par exemple pour les fêtes musulmanes, il y allait ou se faisait représenter.
Il est parti de sa propre décision, en laissant le pouvoir à son premier ministre. Il est parti dignement, calmement, est venu se reposer en Normandie. Il a été enterré au Sénégal. Un homme très intelligent.