Et pour ceux qui sont nés bien après ???
Je suis née en 1962 … mes grands-parents vivaient en Meuse, non loin de Verdun. J’y ai vécu petite, puis au gré des mutations de mon père, j’ai connu d’autres régions de France. Mais les vacances nous voyaient toujours revenir en Meuse. C’est donc toute petite que j’ai été imprégnée des paysages de cette région symbole de la guerre de 14-18 : les forêts, les côtes de Meuse, la campagne verte et vallonnée …et les cimetières aux croix innombrables.
La forêt autour d'un village détruit. Cliquer sur la photo pour l'agrandir.
Les cimetières sont formateurs : Sur la route entre les deux villages où vivaient la famille de mon père et celle de ma mère, il y avait un cimetière allemand : les croix y sont noires. Les cimetières français et américains ont des croix blanches. Pour une petite fille, ça ne laissait aucun doute sur qui étaient les bons et qui étaient les méchants.… il y avait aussi des formes de croix ou des inscriptions différentes selon la religion du soldat étendu au dessous : (photos : cimetière américain de Romagne sous Montfaucon – Meuse). Et je savais que c’était des jeunes gens qui étaient allongés là …
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On allait faire les courses à Verdun ; on passait donc devant le monument « à la victoire » en plein centre-ville, en haut d’un escalier qui me paraissait immense. (pour l’avoir gravi cet été, je sais qu’il ne compte qu’une soixantaine de marches… !)
Dans mes souvenirs, il y a aussi la visite de Douaumont, si impressionnant par son ossuaire (des crânes, des tibias bien rangés : ça ferait combien d’hommes si on reconstituait les puzzles ?) et par tous ces noms gravés à l’intérieur dans la lumière rouge des veilleuses… . En revisitant le site cet été, j’ai appris que sa forme combinait une croix (3 branches seulement) surmontée d’une tour en forme d’obus, comme pour symboliser le souvenir de la guerre et le désir de paix. Le résultat est assez étrange ….
Douaumont. Cliquer sur la photo pour l'agrandir.
L'ossuaire de Douaumont. Cliquer sur la photo pour l'agrandir.
(photos de Douaumont : le monument et la forêt autour du village détruit)
Que dire de la tranchée des baïonnettes ? je me sentais étouffer à la place de ces malheureux soldats ..
Impressionnant aussi pour une petite fille de penser à ces villages complètement détruits qui n’ont pas été reconstruits (comme celui où vivait la famille de ma grand-mère maternelle ) : et si ça recommençait un jour, les villages de mes grands-parents pourraient aussi disparaître ?. ?
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Mais les discussions familiales évoquaient peu cette période : mes grands-pères n’ont pas fait la guerre, l’un trop jeune (né en 1905), l’autre né en 1898, prisonnier des allemands pendant toute la guerre… les arrières grands-pères étaient dans la territoriale… bref , pas de souvenirs de faits d’armes… on évoquait tel ou tel parent, ami, prêtre ou médecin qui avait aidé pendant l’évacuation de 1914, on parlait du village détruit en 1918 (mais reconstruit ensuite). on parlait aussi quelquefois du cousin Georges qui, alors qu’il défrichait une parcelle, faisait du feu pour se débarrasser des buissons coupés…Ce feu a fait exploser un obus enfoui dans le sol à cet endroit. Le cousin est mort … Mon père me raconte aussi que lorsqu’on sciait le bois, il fallait toujours être attentif car les éclats d’obus cachés dans le bois pouvait faire dévier la scie …
Cependant, je n’ai pas le sentiment que les traumatismes nés de cette période aient été tranmis aux générations suivantes de notre famille. Simplement, pour ce qui me concerne, une sensibilité particulière aux informations concernant des tensions entre pays. Etant enfant, je priais pour qu’il n’y ait plus de guerre !
Voilà en résumé quelques impressions de mon enfance …Mon mari dont les grands-pères ont été blessés à Verdun les a entendu en parler, a fait aussi le « pèlerinage » à Verdun avec l’un deux …C’est un nom qui résonne aussi pour lui.
Mais nos enfants ? pour eux, manifestement, c’est un sujet historique mais abstrait, au même titre que pour moi les guerres napoléoniennes par exemple… ils n’ont pas connus leurs arrières grands-parents, ni d’autres personnes ayant vécu à cette époque, rien de personnel ne les rattache à cette guerre. La visite de Verdun les a intéressés mais rien ne les y concerne directement. C’est normal et heureux, me semble-t-il. Sinon, ils ne pourraient pas aller de l’avant. Ils savent cependant que grâce à ces hommes étendus sous les croix de tous les cimetières militaires (de cette guerre et de la suivante), ils peuvent vivre comme ils vivent aujourd’hui. .. et l’actualité quotidienne leur montre que la paix est une chose fragile.